RDC : À Goma, les étudiants se mobilisent pour protester contre l’inefficacité de la force régionale d’Afrique de l’Est

Par SLK News.

La ville de Goma pourrait être rebaptisée flambeau de la nation congolaise tant sa résistance ne cesse d’envoyer un message fort au monde depuis l’agression rwandaise sous couvert du M23. Depuis plusieurs mois, des manifestations s’organisent pour protester contre la force de l’EAC (East African Community ou Communauté des Etats d’Afrique de l’Est). Lundi 13 février, de nombreux étudiants du Nord-Kivu ont eux aussi tenu à exprimer leur mécontentement en réclamant le retrait de cette force régionale qui « a un mandat offensif mais reste inactive pour contrer les terroristes du M23 » estime Wilfried Akilimali Linjanja.

Manifestation du lundi 13 février à Goma organisée par l’association « Représentation des étudiants congolais ». Selon le président , Wilfried Akilimali Linjanja, les étudiants étaient plus de 1000

Cette marche est née d’un constat qui dure depuis plusieurs mois : insécurité, dégradation des conditions de vies humanitaires des déplacés, avancée du M23, balkanisation et inaction de l’EAC au même titre que la Monusco témoigne Wilfried Akilimali Linjanja, président de l’association représentation des étudiants du Congo (REC) et étudiant en deuxième année de Licence de droit à l’Université libres des Grands Lacs à Goma. « Nous réclamons l’implication offensive de la force régionale de l’EAC pour tenir main forte à nos forces armées et dans le cas contraire leur départ immédiat. Nous pointons également du doigt la passivité de la Monusco qui n’apporte pas de résultat pratique sur le terrain par rapport à ces attributions. Au vu du contexte actuel, depuis la signature de l’accord de siège, nous devons passer du maintien à l’imposition de la paix » exige Wilfried Akilimali Linjanja, qui est aussi porte-parole des étudiants de la province du Nord-Kivu.

La crise sécuritaire entraine une crise humanitaire et les étudiants ne sont pas épargnés. Ce rassemblement était aussi un moyen de rappeler que parmi les déplacés, il y a des étudiants ainsi que leurs familles vivant dans des conditions inhumaines. Une situation très critique qui empêche bon nombre d’entre eux d’assurer leurs frais universitaires. « C’est un point très sensible, de nombreux étudiants bénéficiaient des revenus de leurs parents pour assurer la prise en charge de leurs frais académiques mais maintenant que les familles se retrouvent dans les camps de déplacés, les moyens manquent » confie l’étudiant en droit en précisant que le gouverneur des provinces a été contacté depuis plus de deux mois mais aucune réponse n’a été donnée.

La République démocratique du Congo compte près de 5,7 millions de déplacés internes dont 2,1 millions de déplacés dans la province du Nord-Kivu, selon les Nations Unies. Un chiffre alarmant qui n’a pas encore suscité de plan d’urgence de la part du gouvernement congolais pour la résolution de cette crise humanitaire. La résurgence des affrontements entre les forces armées congolaises et le M23 soutenu par le Rwanda entraîne le déplacement de millions de personnes pour la plupart livrées à elles-mêmes dans des conditions catastrophiques. « C’est chaotique, il faut agir pour ses déplacés, la qualité de vie est déplorable, il n’y a même pas le strict minimum sur place » regrette le leader des étudiants. Il rajoute que « l’aide soit très faible, il n’y a rien qui est fait, par exemple si un montant de 100 dollars est envoyé par les autorités congolaises, 70 dollars vont se volatiliser. » Le poids de la corruption à toute échelle gangrène la société congolaise.

De leur côté, les étudiants du Nord-Kivu ne comptent pas renoncer et prévoient d’autres actions. Cette initiative regroupait les étudiants de Goma, du territoire de Nyiragongo, certains de Rutshuru et de Masisi. Les villes de Beni, Walikale et Butembo vont eux aussi suivre le mouvement. A Bukavu, une journée ville morte a été observée par la société civile le mardi 14 février. Et concernant Kinshasa ? « Une marche des étudiants dans toutes les provinces de la République est prévue. Nous envisageons avec les étudiants de Kinshasa une visite auprès des autorités nationales » détaille Wilfried Akilimali Linjanja.

A la jeunesse congolaise située en dehors du pays, il leur rappelle de continuer la lutte : « vous connaissez la situation, vous connaissez les canaux de plaidoyer pour l’Europe ainsi que les leviers. Vous êtes pour certains basés près des institutions européennes donc dénoncez la situation actuelle en RDC auprès des autorités françaises ou autres. Faites également un geste pour les déplacés. » L’association REC récolte des fonds via différents canaux : Air Tel money +243973559141 , Muyisa ou Mpesa +243819052752 et compte bancaire 1201-5088710-00-73.

Face à cette guerre imposée par le M23 dont le Rwanda tire les ficelles, des voix s’élèvent. Marc Botenga, député européen du Parti du travail de Belgique a dénoncé ce deux poids, deux mesures entre l’Ukraine et la RDC en questionnant : la vie d’un Congolais vaut-elle moins que celle d’un Ukrainien ? Il a dénoncé l’hypocrisie de l’Union européenne qui accorde « 20 millions d’euros de soutien au Rwanda tout en profitant d’un Congo affaibli voire balkanisé. »

Une enquête d’Amnesty International paru vendredi 17 février rapporte que « des rebelles du groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, ont exécuté sommairement des hommes et violé des dizaines de femmes dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) fin novembre 2022… » Au moins 20 hommes ont été exécutés sommairement et au moins 66 femmes et filles, ont été violées à Kishishe.

Les civils, premières cibles de cette guerre ont été témoins et victimes d’atrocités sans nom. Combien faudra-t-il encore de cadavres, de viols, de meurtres, de villes occupées pour arrêter le M23 ?

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